Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

mercredi 1 février 2017

Voilà voilà

Rien ne tombe du ciel mais l'averse. Il fait maigrement jour: sans toi, la lumière est plus chiche, c'est ce que je pense sous la pluie grise, il faisait plus clair du temps que tu vivais, peut-être aussi savais-je mieux m'en saisir, peut-être ça que je peine à dire, ta mort m'a fait tellement vieillir que je ne sais plus bien voir, que je ne suis pas bien sûr du printemps qui poindra, je ne guette pas les perce-neige, et maman ne s'inquiètera plus des violettes au bas de sa fenêtre, voilà, voilà. La bonne heure est passée, ne l'ai pas vue passer, tu es morte, voilà, puis maman, j'en reste tout crétin sur la terre désolée, voilà, voilà. Que faire du jour qu'il reste, la peine à remâcher en vaut-elle la peine et la lumière étouffée que peine-t-elle à éclairer? J'ai racheté un lave-vaisselle le mien fuyait, tout fuit décidément, le vendeur très gentil, très professionnel, m'engageait, si mon budget le permettait, à monter en gamme, un tiroir à couverts, un cycle silencieux, un bras de lavage articulé pour la saleté incrustée des plats. Faites-vous plaisir il l'a dit quatre fois, j'ai regardé la pluie tomber par la vitrine, le plaisir c'est donc ça? C'est donc ça le plaisir des vieux quand tout le monde est mort autour d'eux, un lave-vaisselle de luxe qu'on n'entend pas marcher, voilà, voilà, qu'elle est terne la vie sans toi, bien assez de silence pour ne pas l'augmenter, c'est un monde où tout tombe en panne que le monde des vieux, mon monde arrêté.

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